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La friction des vitesses comme génératrice de qualités urbaines.
Olivier BOUSQUET / Alexandre CORBIN / Samuel ST-JACQUES / Vincent MORISSETTE

 

« Les proximités ne se  construisent plus à partir de la
Distance, mais à partir des accessibilités temporelles. »

- Vincent Kauffman
(Méandre : penser le paysage urbain p. 62)









 

​« En effet, la vitesse ne sert pas uniquement à se déplacer  plus aisément,

elle sert avant tout à voir, à entendre, à percevoir et donc à concevoir

plus intensément le monde présent »

- Paul Virilio
(La vitesse de libération p.25)

La vitesse crée la ville diffuse ! 

« La ville diffuse ne se définit pas par le bâti et par des choses ancrées dans le sol,

mais elle se définit par le mouvement de ses habitants »

                                                                                                                                                                                                                                                                                 - Francis Beaucire, 2006                

Aujourd’hui, les distances  parcourues par les citoyens des villes augmentent, mais leur budget temps, lui, n’augmente pas. La connexité, définie par Vincent Kaufmann comme la mise en relation des moyens de communication et de transport en termes de temps, se trouve exacerbée dans nos villes actuelles. Ce faisant, la cartographie spatiale se transforme au profit d’une cartographie temporelle, c’est-à-dire que les distances ne se comptent plus en mètres, mais en minutes.

« Il n’y a pas de diffusion urbaine sans augmentation de vitesse puisqu’au fond le budget temps

du transport quotidien est un budget qui doit rester dans des limites raisonnables faute de quoi

il porte atteinte tout simplement à vos programmes d’activités. »

                                                                                                                                                                                                                          - Francis Beaucire , 2006

Comment, alors, peut-on profiter de la mobilité qu’impose la ville diffuse pour l’habiter? 



L’objectif à atteindre est de répartir la friction des centres sur l’ensemble de la zone comprise entre les points centraux et les banlieues. Se faisant, un réseau de points de friction de différentes importances sera créé ce qui permettra d’offrir des zones de nouvelles urbanités avec des qualités différentes. C’est ce réseau que nous nommerons le réticulaire urbain.

Pour habiter la ville diffuse, il faut donc viser à re-spatialiser les vides créés par la connexité élevée de nos villes en repensant la façon de les aménager.


Afin de poser les bases de ce réticulaire, il faudra énoncer quelques balises structurantes. Premièrement, il faudra reléguer les axes autoroutiers à une échelle plus grande que celle de l’urbain. Ensuite, il faudra  multiplier et séparer les axes de mobilité selon leur vitesse et leur nature (individuelle, collective), mais également en planifiant leurs rencontres et leur cohabitation pour multiplier les points de friction féconds.

 

Étant donné les vitesses variables impliquées, des points de friction se créent lorsque les différents axes se rencontrent.  Selon la nature de ces axes, les nœuds créés sont de différentes intensités et influencent la composition des espaces interstitiels entre les axes. Cela crée alors des zones d’urbanités de différentes importances qui offrent différentes qualités d’ambiances, de densités, de typologies et d’intensités humaines.


Ces points de rencontre, selon leurs positions relatives, créent aussi des zones de différentes qualités. Les points de friction influencent à la fois leurs parcelles limitrophes et l’ensemble des points environnants à la manière d’un voile organique dont l’augmentation de l’intensité d’un point affecte les points voisins. Ainsi, un point de faible intensité caractérisé par les rencontres d’axes lents (ex : piétons, vélos), mais entouré de points de friction élevés (ex : trains) n’offrira pas les mêmes qualités qu’un point peu intense entouré de points semblables.

En catégorisant des points de friction comme faibles, moyens ou intenses, on arrive à créer une quantité infinie de combinaisons de trame urbaine. On obtient alors un système réticulaire (en réseau) qui, en plus d’offrir une infinité d’expériences, peut se superposer à la ville. La ville et le réticulaire s’influenceront mutuellement dans le temps et ce, jusqu’à atteindre une sorte d’équilibre dynamique. Le système s’adapte alors constamment suivant l’évolution de la ville.

Pour que le réticulaire soit efficace, il doit se composer d’axes de toutes les vitesses et il doit également être perméable afin de permettre des échanges, car



« la fascination pour le mouvement fait oublier la finalité même des déplacements,

c’est-à-dire la notion d’échange »

- Pierre Belli-Riz , 1997, p. 68

 

 

 


Conséquemment, si la vitesse élevée doit avoir une place (même si elle est autre que par le biais des axes autoroutiers), la lenteur urbaine doit également être pensée et aménagée. Aujourd’hui, la lenteur retrouve ses lettres de noblesse . En intégrant sa présence à celle des autres vitesses, la lenteur urbaine exacerbera les points de friction et contribuera à créer des lieux d’échanges dans la ville à travers des endroits planifiés en fonction d’un fort potentiel de relations sociales.


Ici, la cohabitation des différents flux de vitesse permet à l’urbain d’être tantôt automobiliste, tantôt cycliste ou piéton ou encore d’utiliser le transport en commun. Ce faisant, la déambulation dans la ville permet des découvertes et accentue la re-spatialisation de l’espace.

 


Dans l’optique présentée, les axes rapides privilégient les transports en communs ce qui vient créer de l’espace public.

« Les métriques automobiles privatisent l’espace de façon inéluctable,

les métriques pédestres (y compris les transports publics) créent de l’espace public

y compris dans le transport lui même. »

- Jacques Lévy , 2006

 

 


De plus, afin d’exacerber davantage les zones de friction et de re-spatialiser la ville diffuse, des zones d’intensité humaine plutôt que bâties devront être planifiées. En d’autres mots, certains espaces où plusieurs axes se rencontrent devront être aménagés en espaces verts habitables au lieu de les densifier par le bâti. Ce faisant, les échanges s’en trouveront amplifiés et une intensité particulière au niveau humain obtenue.

 

Ce n’est donc pas en niant les réseaux qui crée les villes diffuses mais plutôt en acceptant de revoir ces systèmes que la ville diffuse pourra être habitée.​

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