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Un commensal ferrovipathe

La maquette

Les phénomènes de dispersion métropolitaine et l’occupation diffuse des territoires naturels
impliquent une utilisation toujours plus importante de la voiture comme moyen de transport
privilégié, l’automobile comme paroxysme et omniprésence. En soi, l’automobilité nécessite la
présence d’une infrastructure routière apte, entre autres, au transit personnel rapide dont
l’apogée se matérialise dans l’autoroute, qui a la capacité de desservir centre et périphérie à
une vitesse inégalée. Pourtant, cet artefact technique ne génère aucune valeur sur son passage,
il coupe les liens. ¹ Il crée un effet de «barrière» en se présentant comme élément infranchissable,
indifférent au paysage, un support dédié à un moyen de transport unique, un vase
clos pour le transit de masse. Sa négligence à la topographie fait de l’autoroute une barrière
beaucoup plus aride et imperméable que le sont les barrières naturelles de la ville de Québec :
la falaise, le fleuve, la rivière. De plus, les voies rapides ont partout fragmenté le territoire,
s’implantant sans considération au génie du lieu, créant un archipel d’iles éloignées entre elles,
indifférent à la nappe courante du territoire, des poches fermées, monofonctionnelles, retournées
sur elles-mêmes. ²

Non seulement le quadrillage autoroutier contribue au morcellement, mais les emprises ferroviaires
et leurs friches avoisinantes ont aussi divisé le territoire. De part et d’autre du lieu ferroviaire,
des zones à unifonctionnelle d’habitation, d’industrie, de commerce, etc. se replient sur ellesmêmes, tournent le dos au système ferroviaire, tournent le dos à la réalité des zones avoisinantes
Les lieux et les espaces du chemin de fer sont à un niveau égal à celui de la rue, aisément
accessibles aux piétons et sont étonnamment sous-utilisés, une moyenne journalière de 120
wagons sur une capacité réelle de 9000 justifie cette impression d’inoccupation. Ce sont des
lieux anonymes et intemporels, en dehors de la ville, autarciques, dissociés, mais qui ont
l’avantage d’être les lieux de l’errance, du silence, désertique, immenses.

D’abord, l’aménagement commensaliste perméabiliserait la barrière actuelle qu’est le chemin
de fer en devenant un noeud économique, social et culturel important dans le quartier, et ayant
pour but la transformation d’une structure qui divise le territoire en une structure mue par la
convergence des activités, imbue d’une nouvelle porosité, facilitant le passage d’une zone à
l’autre, la percolation, l’osmose. Ces infrastructures deviendraient des pôles et des connecteurs
urbains, elles relieraient les enclaves entre elles, briseraient les frontières, troueraient les limites. Des
noeuds plus importants se formeraient à des endroits névralgiques, à la jonction des limites des
zones monofonctionnelles existantes, et reposeraient à proximité des centres de quartier et des
pôles majeurs d’activité déjà établis. Cette nodalité catalyserait la suture des îlots fragmentés,
favorisant les échanges entre des zones qui étaient auparavant repliées sur elles-mêmes, alors
émergeraient des lieux hybrides, tridimensionnels, flexibles, interconnectés, multinodaux, multiservices,
multipolaires, où régnerait une effervescence multifonctionnelle. ³

Ensuite, une panoplie de fonctions s’inséreraient dans la trame ferroviaire et ses abords en friche,
de la maison aux logements multiples, de la garderie au centre pour personnes âgées, de
l’épicerie fine au supermarché en passant par le producteur local, de la petite entreprise à la
plus ambitieuse ou la plus établie, de la galerie d’art au centre culturel à la maison des jeunes
à la salle de spectacle. Comme il est représenté dans la maquette, le fossé de la limite ferroviaire
se comble et se remplit. Divers scénarios d’occupation s’imaginent, pour chaque tranche d’âge,
pour chaque utilisateur, pour chaque activité, à différentes heures, afin que les usagers principaux
des différentes zones avoisinantes puissent arriver à se croiser et inciter aux rencontres
fortuites. Permettre un assortiment d’activités, de loisirs et de fonctions vise à instaurer une mixité
manquante aux divers quartiers fragmentés de la communauté métropolitaine de Québec.

Finalement, la création de différents noeuds sur le chemin de fer constellant la Communauté
métropolitaine de Québec favoriserait l’implantation d’un train de ville, une nouvelle alternative
de transport en commun reconnectant les îlots esseulés. Au commensalisme s’ajouterait la
phorésie, le commensal deviendrait aussi phoronte, c’est-à-dire qu’il s’associerait librement à un
hôte qui agirait comme moyen de transport, véhicule et locomotion. Dans ce cas-ci,
l’infrastructure déjà présente des rails accueillerait et transporterait le train de ville. Les noeuds
seraient aussi des gares, des hyperpôles, aptes au transit et aux activités sédentaires. Hestia et
Hermès serait réconciliés, la déesse du foyer et le dieu du voyage dans un même lieu, un même
endroit, à la fois répété, universalisable, applicable à l’échelle métropolitaine.
4

L’espoir repose dans la mutation du commensal en symbiote, après avoir bénéficié des vertus
ouvertes et spacieuses de la table ferroviaire, l’activité découlant de son implantation amènerait
une nouvelle forme de relation entre l’hôte et le commensal, les bénéfices seraient mutuels.
Autour des emprises ferroviaires émergerait alors une nouvelle morphologie de la ville de
Québec. La mixité, la porosité et la phorésie contribueraient au renouvellement et à la renaissance
des lieux du chemin de fer de la Communauté métropolitaine de Québec, l’idée réside
dans le débordement et le mélange des zones, des fonctions et des paysages les uns dans les
autres et le métissage des activités humaines.

charles gretas | guillaume laurin | carl latulippe-hébert | kevin sylvain

En construisant sur les lieux et les espaces ferroviaires, en en faisant un vecteur d’attractivité
tellement fort et effervescent, mixe, perméable et nodal, toute nouvelle construction
s’articuleraient dans sa proximité, le bâti viendraient s’y agglutiner et le tissu urbain se densifieraient
urbi et orbi du chemin de fer, qui deviendrait la colonne vertébrale de la métropole.

Références

1.De PORTZAMPARC, Christian, (2009), Le grand Pari[s]. Consultation
internationale sur l’avenir de la métropole parisienne, Paris : Le Moniteur, AMC (collectif d’auteur)
2. ibid.
3. TERRIN, Jean-Jacques, (2011), Gares et dynamiques urbaines, les
enjeux de la grande vitesse, Parenthèses (collectif d’auteurs)
4. De PORTZAMPARC, Op.Cit.

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